LE SYNDROME DU ROND-POINT...NON-SENS GIRATOIRE !




Le rond-point est-il devenu une passion française ?

Lors de notre séjour de deux mois en métropole j'ai été frappée par la modification des axes routiers empruntés en raison de la prolifération des ronds-points un peu partout !
A l'instar du Shadok pompeur le Français semble passer sa vie à tourner, tourner, tourner...
Il n'en existe pas moins de 30.000 sur le territoire et il s'en construit plus de 500 chaque année...soit environ 1,3 rond-point par jour !!! pour un coût, pas vraiment modique, de 200 000 à 1 million d’euros selon la complexité de l’ouvrage et le prix des parcelles à acheter. A cela, il convient d’ajouter la décoration : environ 10 000 euros par an pour un rond-point végétalisé, entre 30 000 et 75 000 euros pour une sculpture comme celles de Jean-Luc Plé.

Cela peut être encore bien plus cher.

La sculpture de l’Espagnol Manolo Valdes, La Dame de la mer, installée en 2010 entre Bidart et Biarritz (Pyrénées-Atlantiques), a coûté 500 000 euros et provoqué de grosses tensions entre ces deux communes quand il s’est agi de payer la facture.
Certes les garants de l'orthodoxie giratoire nous diront et rediront tous les avantages, en terme de sécurité routière, de ces glorieux ouvrages...M'enfin !
Le rond-point est bien autre chose qu'une banale affaire de travaux publics : un art, un art de vivre (?), voire une philosophie...
Il existe en effet un " art giratoire " à part entière, qui a ses fanatiques, ses blogueurs, ses admirateurs, ses photographes du dimanche et ses idolâtres du samedi...Ses passionnés écumeraient les routes départementales et nationales de notre belle France...(voir par exemple trobenet.canalblog.com ou rondpoint33.over-blog.com). Ils disposent en France d’un terrain de jeu unique au monde.
En enseignera-t-on sous peu l'histoire populaire glorieuse en Sorbonne ?
Si l'on en croit Jean-Luc Plé, "créateur de ronds-points" de son état, d'après l'article "La France, terre de ronds-points" paru dans Le Parisien Magazine : cet 'artiste' est capable de faire d'un banal carrefour situé à l'entrée d'une bourgade une oeuvre audacieuse évoquant les traditions et identités locales (sic). Mieux : sa petite entreprise ne connaît pas la : il suffit que Jean-Luc Plé livre une de ses sculptures en mousse stratifiée à une commune pour qu’immédiatement ses voisines rêvent, elles aussi, de décorer leurs carrefours !

http://www.plecreateurronds-points.blogspot.com
En octobre 2012, ce Rochelais, qui dit « n’avoir jamais eu autant de travail », chargeait sur son poids lourd une colossale baigneuse et sa cabine de plage 1900 pour Mers-les-Bains dans la Somme, station balnéaire picarde, qui entend ainsi promouvoir son architecture typique de la Belle Époque « unique en » selon l’office du tourisme.






Comme d’autres dans la région, Monsieur le maire de Mers avait remarqué chez son voisin, Saint-Quentin dans l'Aisne, une scène du même Jean-Luc Plé représentant un gigantesque garde champêtre et trois autres personnages à mobylette : un hommage à l’usine locale de Motobécane (aujourd’hui MBK) dont la ville est le berceau, et, selon le correspondant local de La Voix du Nord, « un délice pour les pupilles ».






Il faut reconnaître que nos départementales sont moins monotones depuis qu’elles ressemblent à un jeu de piste...

A Tinchebray dans l’Orne, un râteau et une pelle de six mètres annoncent qu’on arrive dans un haut lieu de la fabrication d’outillage de jardin.






A Meyrueis en Lozère, entre Causses et Cévennes, ce cheval cabré en fer forgé, c’est Persik, l’un des meilleurs étalons reproducteurs d’endurance du monde, en hommage aux éleveurs du cru.





A Orchies, dans le Nord, une sculpture végétale en forme de cycliste rappelle que le 2012 est passé par là.

Et à Bondy, en Seine Saint-Denis, les enfants blacks, blancs, beurs de la statue de l’artiste breton, François Bazin-Bidaud, pointent le cosmopolitisme d’une ville qui accueille 40 ethnies.
La France détient le record du monde
Alors ? le rond-point a-t-il un sens ?
Un tel "art" sans âme serait le déshonneur de l'urbanisme !...
Depuis les années 1990, la loi rend ce genre de pratiques difficiles à mettre en place. Quoi qu’il en soit, les giratoires continuent de pousser !

Ils évitent les collisions de face

Si la France détient le record du monde du nombre de ronds-points – six fois plus qu’en Allemagne ! – c’est pour des raisons beaucoup plus avouables.
La première est historique : c’est une invention tricolore, même si elle a eu besoin d’un petit coup de pouce anglais – assez fanatiques de leurs roundabouts – pour être fonctionnelle.
La deuxième raison tient en un mot : sécurité. Les études le prouvent, les ronds-points contribuent à l’améliorer parce qu’ils obligent les véhicules à ralentir, et qu’ils rendent impossible les collisions les plus dangereuses, celles à angle droit et de face.

« Lorsque l’on transforme un carrefour en croix en carrefour giratoire, le nombre d’accidents corporels diminue de 41 % », notait, en 2010, un rapport de la Commission européenne.
« Et comme l’Etat est très centralisé en France, ce dispositif s’est propagé plus vite qu’ailleurs », explique Eric Alonzo, codirecteur du troisième cycle à l’Ecole d’architecture de Marne-la-Vallée et spécialiste du sujet auquel il a consacré un livre.
Pourtant, depuis une dizaine d’années, les techniciens de la Direction départementale de l’équipement (DDE) ont tendance à freiner le mouvement, puisque la plupart des carrefours importants sont aménagés.
« Pour les autres, ceux entre une route principale et une voie secondaire à trafic plus faible, les solutions avec îlots séparateurs et éventuellement voies de tourne-à-gauche, offrent une sécurité équivalente pour un coup inférieur, moins de 10 000 euros », explique un responsable de la Délégation à la sécurité et à la circulation routières.
Pour autant, les grands travaux continuent. A qui la faute ? A la loi sur la décentralisation de 1982 : si les services techniques de l’Etat conseillent, c’est aux élus locaux que revient la décision finale. Y compris pour les routes nationales qui, depuis 2007, sont gérées par les conseils généraux.
Mettre en valeur un artisanat, un personnage célèbre, un jumelage…
Or de nombreux élus veulent leur rond-point. Coûte que coûte. L’effet de mode est tel qu’on en vient à se demander si certains giratoires ne sont pas construits uniquement pour pouvoir être décorés.
En témoigne cette déclaration sublime de Daniel Laurent, maire de Pons et sénateur de la Charente-Maritime, un département précurseur en matière d’ornement de giratoires, qui défend ainsi la stratégie de sa région : « Un rond-point est fait pour interpeller, montrer qu’il se passe quelque chose dans la commune. »
Le sens giratoire ne serait pas là pour nous tourner en bourrique, ni pour fournir des marchés aux entreprises locales et amies du BTP, mais pour entamer une "démarche d'identification", c'est, poursuit l'amusant édile, une façon de dire : "Voilà ce que nous sommes".

Ce que nous sommes ?!
ça change des monuments convenus, c'est sûr, dans le genre Obélisque de la Concorde ou génie de la Bastille...
Sur la place de la Bastille, la priorité à droite est la règle, même sur les ronds-points. – Arnaud Chicurel/Hemis

Le rond-point vu comme une résistance face à la mondialisation, même Arnaud Montebourg n’y avait pas pensé !

Quoi qu’en dise une légende urbaine tenace, les fabricants de pneumatiques ne sont pour rien dans cette prolifération de giratoires. Ils n’en financent pas la construction en sous-main pour que les pauvres automobilistes usent prématurément leurs pneus extérieurs (à moins de faire 100 tours à chaque carrefour, cette usure elle-même est une légende).

Quant à la thèse défendue par Jean Montaldo dans Chirac et les 40 menteurs, selon laquelle la vraie finalité de ces aménagements routiers serait de financer les partis politiques grâce à des commissions versées par les sociétés de travaux publics, force est de constater qu’elle est obsolète.





De fait, dans un univers où tous les centres-villes se ressemblent, le rond-point recrée de l’originalité en mettant en valeur un élément local : un artisanat, une industrie, une spécialité culinaire, un personnage célèbre, un jumelage…

Cet été, impossible que vous n’ayez pas vu ou traversé un carrefour giratoire ! Les communes et les départements ne cessent d’en commander, pour des raisons de sécurité, mais aussi d’image de marque.



Carrefour giratoire à Chessy (Seine-et-Marne).
Carrefour giratoire à Chessy (Seine-et-Marne).











Près d’un giratoire en moyenne par commune
30 000 ouvrages couvrent le territoire français

500 rond-points sont construits chaque années en France

200 000 € : c'est le prix minimum d'un tel aménagement, cela atteint le million d'euros parfois.

Sur la place de la Bastille, la priorité à droite est la règle, même sur les ronds-points. – Arnaud Chicurel/Hemis
A Paris, on ne fait rien comme les autres


Devinette pour dîner parisien : « Y a-t-il des panneaux stop dans la capitale ? » La réponse, certifiée par la préfecture de police est : « Oui, mais un seul », quai Saint-Exupéry dans le 16e arrondissement.

Pour le reste, à Paris, la priorité à droite est la règle. Y compris sur les ronds-points et sur le périphérique alors que, partout ailleurs en France, les voitures doivent céder le passage à celles qui y sont déjà engagées.

Explication de la direction de la voirie de la ville : « La charge sur certaines places parisiennes, dont celle de l’Etoile, n’a pas d’équivalent en province. On a fait des tests, mais seul le système à feux permet d’éviter la congestion. »

Certes, mais sur les petites places, pourquoi ne pas donner la priorité à l’anneau ? « La circulation à Paris est compliquée, il y a déjà beaucoup de panneaux. Mieux vaut une règle unique. » Circulez !