Pas d’armistice pour François Hollande
 
Le Président n’arrivera plus à ranimer la flamme...
 
hollande 11 novembre
La gauche française présentait hier les symptômes de l’émoi d’une rosière surprise à sa toilette par un employé du gaz aventureux. Elle n’avait à la bouche que les mots honneur, patrie, jour sacré, union nationale. Elle se drapait soudain dans le drapeau bleu-blanc-rouge, comme l’aurait fait la dame évoquée plus haut dans une serviette éponge. Ces gens, qu’on ne savait pas si sourcilleux sur ces affaires, se dressaient soudainement sur leurs ergots, et s’empourpraient : se serreront-ils prochainement autour du soldat inconnu, s’époumonant aux accents d’une martiale Marseillaise ?
Pourquoi ces plaisants personnages, qui se gaussaient naguère du patriotisme, singeaient-ils la mine altérée de Déroulède ?
La cause de tout cela, c’est l’extrême droite « qui n’aime pas la France », a précisé M. Valls. Dans la matinée, le président de la République s’est fait huer, alors qu’il revenait de la cérémonie de la flamme, sous l’Arc de triomphe. Nous étions le 11 novembre. il faisait beau et un peu frais, la nation rassemblée communiait dans le souvenir sanglant de toutes les guerres. Mais l’extrême droite en avait décidé autrement : c’est la thèse officielle, reprise à l’envi par France 2 et par Itélé, porte-paroles du gouvernement et de ses agences de communication.
Combien étaient-ils, sur l’avenue des Champs-Élysées, bonnets rouges mêlés aux militants enfantés par la « Bête immonde » ? Moins de cent ! Mais la thèse officielle consiste à nous présenter un complot contre la France par des « extrémistes fascisants, racistes… des gens qui n’aiment ni la République, ni la démocratie » (Kader Arif, ministre délégué aux Anciens combattants, Itélé, 11 novembre) !
Un complot vraiment ? Plus que de l’opposition, des ligues et des factieux, c’est d’abord et principalement de ses rangs que viennent les signaux brouillés, l’intolérance, tout et son contraire.
C’est de ses rangs qu’ont surgi ses plus véhéments contradicteurs, ses plus hypocrites contempteurs. La gauche française est une obèse du pouvoir. Majoritaire dans les deux assemblées, dans les villes, dans les régions, elle a les hanches trop larges, le fessier énorme, le cou pris dans une avalanche de graisse, et la tête étroite. Elle s’émeut de quelques sifflets incongrus, quand elle laisse des manifestants détruire plus de quarante portiques sur les autoroutes. Elle s’offusque des mensonges sarkozystes « qui nous ont fait tant de mal », mais autorise le premier ministre à promettre une manne de trois milliards d’euros aux marseillais, alors que le pays est en pré-liquidation, et que, deux jours auparavant, Mme Lebranchu, ministre de la fonction publique, déclarait : « Il y aura des choses à discuter avec la Bretagne qui demande cent millions d’euros pour sa grande voie centrale, la RN 164, pour la ligne à grande vitesses, etc. Comment allons-nous […] financer ce que demande la Bretagne et dont elle a besoin ? » (RTL, 5 novembre)
La gauche moque les errements de l’opposition et les querelles qui la divisent, mais quel exemple propose-t-elle, qui serait incarné par sa propre élite ? Mme Fourneyron-la-gaffe, improbable ministre des sports ? Ou bien Aurélie Filippetti, sinistre de la culture, qui s’épancha sur la disparition de Georges Moustaki, et assista à ses obsèques, mais ne rendit qu’un misérable hommage de cabinet (ministériel) au grand compositeur Henri Dutilleux, mort le même jour ? Aurélie Filipetti, incapable de seulement suggérer une orientation à son ministère, ne connaît plus que les phonèmes glacés des fameux éléments de langage (RTL, 10 novembre) : « secteur d’excellence … en capacité d’exportation… filière… pacte de confiance… stratégie » ! Mme Filipetti parle l’effrayante novlangue socialisante, mêlée d’une vague idéologie « égalitaire », où il est question d’« accès de tous à la culture » ; des mots creux persillés de coups de menton « J’ai fait », « J’ai dit »…
Qui dira l’effarante vacuité de cette femme élégante, encore jeune, apparatchik à talons hauts ? Et auprès de qui M. Hollande trouvera-t-il un réconfort ? Auprès de Mme Duflot, ministre du logement et de l’égalité des territoires, ou auprès de son acolyte, M. Jean-Vincent Placé ?
Face au pays qui gronde, M. Hollande est bien seul ! C’est d’abord la gauche qui l’a abandonné.
 
 
 
 
 
 
 

Le 11 Novembre ? Connais pas !

Contre Hollande, tout est permis. Même l’amnésie

11 novembre hollande
Patrick Mandon m’a étonné dans son article sur François Hollande et le 11 Novembre. Ainsi, les huées, les sifflets et les heurts qui ont accompagné le Président de la République le jour des cérémonies ne renverraient qu’à la faiblesse de celui-ci. À la limite, François Hollande l’aurait bien cherché : nullité politique, absence de volonté et entourage oscillant entre l’autisme et la traîtrise. Il aurait mieux fait de rester à l’Elysée, enfermé dans son blockhaus comme le fou solipsiste de Schopenhauer. Quand on est aussi nul, c’est vrai quoi, on ne devrait même plus avoir le droit de sortir pour ranimer la flamme du soldat inconnu. Les sondages, ces juges de paix des démocraties spectaculaires, suffisent à le délégitimer définitivement. Admettons. Mais ce sera quoi, la prochaine étape ? Quand BVA le donnera en dessous de 15%, on interdira à Hollande de se déplacer à l’étranger et s’il ose transgresser cet interdit, on applaudira des deux mains les Français expatriés qui le siffleront sous l’œil goguenard des dirigeants locaux ?
Patrick Mandon va plus loin, poussé par son ardeur antihollandiste. Quand bien même, nous dit-il en substance, on s’indignerait à gauche de la très regrettable coïncidence entre une commémoration nationale et l’expression hyperbolique et extrémiste d’un ras-le-bol, ce serait de l’hypocrisie, puisque c’est bien connu, la gauche et la patrie, ça fait deux.
Alors que l’on nous permette de revenir sur quelques banalités de base, aurait dit Vaneigem. Pour commencer, l’idée que la droite aurait le monopole du sentiment patriotique comme la gauche aurait celui du cœur est pour le moins discutable et schématique. Clemenceau, par exemple, qui mène le pays avec un courage sans faille pendant ces années de sacrifices inouïs, vient de la gauche et se trouve revendiqué, cent ans plus tard, par les deux camps. Et les socialistes français de l’époque, assassinat de Jaurès ou pas, se sont ralliés à l’union sacrée sans difficulté, se souvenant qu’il s’agissait quand même, en dernière analyse, de la guerre entre une république encore fragile contre un empire autoritaire et militarisé à l’extrême.
Et puis c’est drôle mais j’ai toujours pensé qu’une certaine partie de ce qu’il convenait d’appeler la droite entretient de bonnes relations avec la patrie tant que cela ne contrarie pas trop ses intérêts de classe. Je pourrais remonter à 1789 quand l’immense majorité de l’aristocratie préféra l’exil à Coblence et à Londres plutôt que de voir des pouilleux sans-culotte inventer justement cette idée de nation qui fut, notamment dans le cadre de la Révolution Française, le premier nom de l’émancipation et la base de lancement d’un universalisme qu’on appellerait par la suite internationalisme. Car ne nous y trompons pas, pour être un internationaliste conséquent, encore faut-il avoir une nation. L’internationalisme n’a en effet jamais nié les nations, il les dépasse pour retrouver en chacune ce qui est commun à toutes. Et ce, au contraire de la mondialisation marchande qui les néantise par un mode de production et de consommation planétairement uniformisé.
Ce n’est un paradoxe que pour les naïfs ou les gens de mauvaise foi quand on a entendu des Allende, des Castro et plus récemment des Chavez avoir pour slogan « La patrie ou la mort » tout en étant d’irréprochables internationalistes. La nation est le dernier rempart des pauvres, la dernière tranchée dans un monde où disparaissent les vieilles solidarités devant les nécessités impérieuses de la compétitivité. On se rappellera d’ailleurs, avec Marx, que ce qui est noyé « dans les eaux glacées du calcul égoïste », c’est l’idée même de nation. Cette nation qui fait naître d’autres types de rapports entre les citoyens que  de simples échanges économiques : un sentiment d’appartenance, un goût pour les mêmes chansons, les mêmes saisons, les mêmes légendes, les mêmes vitraux, les mêmes héros. Et lorsque ça sent vraiment le roussi pour la nation, c’est  toujours la fraction la moins financière de la droite, comme les gaullistes et quelques royalistes en 40, qui choisit la nation même si cette nation vit un moment politique qui ne leur plaît pas. Doit-on rappeler la sinistre profession de fois de cette partie de la bourgeoisie qui disait préférer Hitler au Front Populaire ou encore sous l’œil bienveillant de quelle puissance étrangère les Versaillais de Thiers massacrèrent les Communards ?
Mais revenons au présent, revenons à ce 11 Novembre 2013. Qui est à l’origine des troubles ? L’extrême droite, et pas n’importe laquelle. Celles de ces groupuscules revanchards nés dans les marges douteuses de la Manif pour tous, qui n’ont rien digéré depuis 1789 et régurgitent périodiquement, des rancœurs inguérissables contre les Lumières.
Soyons désobligeants jusqu’au bout, il n’y a pas de raison, et rappelons que ce sont les mêmes qui trouvent intelligents, au nom de la famille, d’encourager leurs propres enfants à traiter une ministre de la république de guenon. On mesurera à ce simple fait le sens de la transmission de ces gens-là. On ne s’étonnera donc pas qu’ils aient oublié dans un même mouvement, malgré leurs drapeaux tricolores dont ils ne savent plus depuis longtemps ce qu’ils représentent,  et par haine d’un homme élu par le peuple mais qui ne les gouverne pas comme ils le voudraient, qu’il s’agissait avant tout d’honorer près d’un million quatre cent mille morts pour la France.
Mais ça, apparemment, ce n’est rien pour ces gens-là, qui souffrent tellement plus  que les Poilus quand ils regardent leur déclaration d’impôts. En même temps, on a les tranchées qu’on peut…
 
 
11 novembre : Les sifflets de la discorde
Une cérémonie du 11 novembre saccagée. Un Président sifflé et hué lors de son passage sur les Champs-Élysées puis à son arrivée dans l’Ain l’après-midi.
Cette contestation spectaculaire qui va crescendo depuis la rentrée, c’est du jamais vu depuis longtemps sous la Ve République, probablement depuis la fin du septennat de VGE où ni le président, ni son premier ministre ne pouvaient mettre le nez dehors sans avoir à endurer les horions. On sait comment ça a fini.
Pourtant, au lieu d’entendre cette colère et encore moins d’essayer de la comprendre, la sphère politico-médiatique préfère l’étouffer en la rendant illégitime.
Les bonnes âmes patriotiquement correctes se sont empressées de condamner sans ambages les protestataires au bonnet rouge : ces factieux frontistes ont instrumentalisé le 11 novembre, piétiné les valeurs de la République et manqué de respect à nos soldats morts. « Ils ont insulté notre mémoire nationale », s’indigne le premier secrétaire du PS Harlem Désir. « Ils ont sali la République », s’offusquent des éditorialistes. L’UMP, de son côté, fustige également ces débordements et « ces huées franchement déplacées car en ce jour de mémoire et d’hommage à nos morts, François Hollande représente la République », explique benoîtement Valérie Pécresse.
Comme toujours, la machine à discréditer est mise en route. D’abord, stigmatiser ces fauteurs de troubles comme extrémistes appartenant au Printemps Français, au Renouveau Français ou pire. Puis, logiquement, les expulser hors de l’espace républicain.
Cette rhétorique désormais classique est fort utile pour discréditer ces Français qui ont voulu profiter de la présence physique du Président pour manifester leur ras-le-bol et leur hostilité à sa politique.
Pour que François Hollande les entende, ressente de façon plus concrète leur colère et vive pleinement son impopularité (qui n’est plus mesurable en chiffres), ces révoltés du 11 novembre ont préféré saboter une cérémonie qui n’a, de toute façon, plus trop de sens puisqu’elle est devenue depuis 2011 un fourre-tout mémoriel englobant, dans une sorte de mystique républicaine, tous les morts tombés pour la France.
La réconciliation rêvée par François Hollande s’est donc renversée dans une désunion de cauchemar. Lui qui avait misé sur les cérémonies commémoratives de l’Armistice pour rassembler les Français et redonner un souffle à l’union nationale asphyxiée par la pression fiscale, la récente jacquerie bretonne ou l’affaire Leonarda, n’a récolté en retour que les sifflets d’une colère trop longtemps retenue. Qui sème la discorde…