EN IMAGES. Astérix s'expose à la BnF
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Alors que l'album "Astérix chez les Pictes" sort en librairie le 24 octobre, le héros créé par Goscinny et Uderzo fait l'objet d'une rétrospective à la Bibliothèque nationale de France, à Paris, jusqu'au 19 janvier 2014.
 
 
Astérix, c'est de droite ou de gauche?
 
 
Une scène du film d'animation "Astérix et les Vikings" (2006), réalisé par Stefan Fjeldmark et Jesper Moller. (©Lilo / SIPA) Une scène du film d'animation "Astérix et les Vikings" (2006), réalisé par Stefan Fjeldmark et Jesper Moller. (©Lilo / SIPA)
Une grande expo à la BnF et un nouvel album réveillent la vieille question: l'irréductible Gaulois serait-il une icône nationaliste? Les pages littéraires de «l'Obs» consacrent une enquête au sujet, assortie d'un débat sur les qualités d'«Astérix chez les Pictes», et des points de vue de Jean-Vincent Placé (EELV), Hervé Morin (Nouveau Centre), Gilbert Collard (apparenté FN), Alexis Corbière (Parti de Gauche) et Michel Sapin (PS). Extrait

Le Nouvel Observateur Quelle image de la France Astérix nous renvoie-t-il?
Jean-Vincent Placé C’est évidemment le village qui résiste à l’envahisseur. Une idée assez forte de l’identité. Tout le monde y arbore la même moustache. Les familles, les corps de métier: tout est stable. Alors évidemment, c’est aussi le miroir d’une France d’avant 1968, assez sûre d’elle, très ordonnée, paternaliste. C’est un reproche qu’on peut adresser à beaucoup d’autres œuvres artistiques. A tel point qu’on se demande si c’est utile.

Astérix, héros nationaliste ?
Il évolue au fur et à mesure. Il sort de son village, il rend visite à ses voisins et il les aide à lutter contre Rome. C’est aussi une image de la France universaliste. Et puis on ne peut pas s’empêcher de penser que le visionnaire, c’est le Gallo-romain du «Combat des chefs»: il reste gaulois, mais il accepte le progrès romain. Notre ancêtre, c’est lui.
Aujourd’hui, qui sont les Romains ?
Il n’y a pas de Romains. Au niveau européen, on voudrait nous faire croire que l’ennemi, c’est l’Allemagne. Mais l’ennemi, ce n’est pas Mme Merkel. L’ennemi c’est la droite. Encore une fois, pensons à Astérix qui transforme ses voisins en partenaires. C’est ce que doit faire la France.
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Jean-Vincent Placé, sénateur écologiste et astérixien pratiquant:
"Abraracourcix ne gouverne pas seul, lui!"
 
Y a-t-il un message politique dans «Astérix»?
La figure d’Astérix est intéressante. Quelle est sa place dans la tribu? Il est indépendant du pouvoir. Mais il a un rôle primordial dans le gouvernement du village. Le vrai chef, autrement dit, c’est celui qui n’est pas le chef. Il est le confident privilégié de Panoramix. Il fait l’intermédiaire entre le savoir et le pouvoir. Il conseille Abraracourcix, tout en étant sincèrement respectueux de son autorité. Quand Abraracourcix a des problèmes d’estomac, dans «le Bouclier arverne», Astérix le porte. Il se fait serviteur. 
 
 
 
 
Certains vous feraient remarquer que quand François Hollande a des crampes intestinales, vous n’accourez pas sous son bouclier.
Dans les réunions du conseil, Abraracourcix est entouré du druide, du vétéran, du forgeron, du poissonnier. Abraracourcix écoute, sur son fauteuil de chef, et puis l’arbitrage se fait entre Astérix et Panoramix. L’autorité symbolique du chef n’est pas discutée, mais la décision est collective. Tout l’inverse de la pyramide hiérarchique romaine. C’est un bon mode de gouvernement. Si on ose le parallèle, le président doit laisser son premier ministre et sa majorité gouverner. Nous sommes au contraire dans un pays où un seul homme peut décider d’envoyer l’armée où bon lui semble. Vous aurez enfin remarqué que j’ai habilement évité de commenter votre sous-entendu. 
Faut-il envoyer Obélix en Syrie ?
Le problème, c’est qu’on n’a pas d’Obélix. Certains semblent penser que, quelles que soient les difficultés, la France peut tout. Quand Giscard avait dit que la France était une puissance moyenne, ça avait fait un tollé. Encore aujourd’hui, quand on vote le budget de l’armée, on en parle comme si on avait la meilleure armée du monde et des millions d’hommes sous les drapeaux. 
Faut-il légaliser la potion magique ?
Je suis pour la libéralisation du cannabis, uniquement parce que ça peut permettre de contrôler la consommation. Mais je suis contre la dépénalisation des potions magiques dures.
Le ciel va-t-il finir par nous tomber sur la tête ?
Dans « le Devin », le village est terrorisé. Et le premier charlatan qui passe par là, on le nourrit. Ce devin, c’est le populisme. Et Astérix, seul à sentir que cet homme est fétide et que ses promesses sont creuses, est banni. C’est peut-être ça qui devrait nous effrayer.
Dites donc, vous connaissez vos classix. 
Dès que je suis arrivé en France, à l'âge de 7 ans, je me suis jeté sur les «Astérix» et je n’en ai jamais levé le nez. Je les ai tous lus et relus. De ce point de vue, je suis un parfait petit franchouillard.
Propos recueillis par David Caviglioli
 Astérix, le retour, tome 35...
 "Astérix chez les Pictes"? C'est pathétix
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Par ailleurs, dans "le Nouvel Observateur" du 31 octobre 2013: Astérix politix / Pour ou contre le nouvel album? / Les confessions de Lionel Duroy / Flore Vasseur et les damnés de HEC / Les grands hommes d'Hugo Boris / Le retour à Beyrouth de Sorj Chalandon / La crise espagnole par Antonio Muñoz Molina / Bob Wilson vu par Huppert, Sobel, Lavaudant, Attoun et Demarcy-Motta / Frères Coen : les Folk Brothers et le vrai Llewyn Davies / Violette Leduc, la bâtarde au cinéma / Lou Reed: le démon...
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Le génie de Goscinny manque toujours à Astérix

 
"Astérix chez les Pictes" est le premier opus de la série qui ne porte la signature d'aucun de ses créateurs, le scénariste René Goscinny et le dessinateur Albert Uderzo. Les nouvelles aventures d'Astérix et Obélix se déroulent chez les Pictes, les peuples de l'ancienne Écosse et ont été imaginées par le scénariste Jean-Yves Ferri et dessinées par Didier Conrad. /Photo prise le 24 octobre 2013/REUTERS/Benoît Tessier
(c) Reuters
 
"Astérix chez les Pictes" est le premier opus de la série qui ne porte la signature d'aucun de ses créateurs, le scénariste René Goscinny et le dessinateur Albert Uderzo. Les nouvelles aventures d'Astérix et Obélix se déroulent chez les Pictes, les peuples de l'ancienne Écosse et ont été imaginées par le scénariste Jean-Yves Ferri et dessinées par Didier Conrad.

Le trait est techniquement parfait, les Romains souffrent toujours autant et les anachronismes sont au rendez-vous.
Mais le 35e album des aventures d'Astérix et Obélix, la série de bande dessinée la plus vendue au monde, montre une fois de plus que le génie du scénariste d'origine, René Goscinny, décédé en 1977, est irremplaçable.
"Astérix chez les Pictes", publié jeudi dans 23 langues "majeures" avec un tirage de cinq millions d'exemplaires, dont deux millions pour la version francophone, est le premier opus qui ne porte la signature d'aucun de ses créateurs.
Albert Uderzo, le comparse de René Goscinny pour le dessin, avait promis que ses personnages mourraient avec lui. Il avait, depuis la mort de son scénariste, publié une dizaine d'albums poussifs, ce qui n'avait pas ralenti le succès public.
Il a fini par céder à la tendance qui, comme pour Blake & Mortimer, Blueberry, Lucky Luke ou encore Spirou, voit les séries reprises par de nouveaux auteurs pour poursuivre des aventures lucratives -celles d'Astérix et Obélix se sont vendues à 352 millions d'exemplaires depuis leur création.
A minuit, mercredi, les clients s'arrachaient les premiers exemplaires d'"Astérix chez les Pictes" dans une librairie du Boulevard Saint-Germain à Paris.
"J'attends un bon moment, un bel album", a déclaré Nicolas Bady, un fan de la série.
Didier Conrad, au dessin, réalise une performance stupéfiante, tant il est vrai que son trait enlevé n'a rien à envier à celui d'Albert Uderzo, qui a posé ses crayons en 2011, à l'âge de 84 ans, 52 ans après le premier album.

"QU'EST-CE QU'IL A MAC KEUL ?"

Jean-Yves Ferri, le scénariste de "De Gaulle à la plage", multiplie les calembours et les anachronismes dans cette histoire qui se déroule chez les Pictes, les peuples de l'ancienne Écosse, redoutables guerriers dont le nom, donné par les Romains, signifie "les hommes peints".
Comme dans de nombreuses autres aventures, dont Astérix en Hispanie ou chez les Belges, les célèbres héros gaulois vont donner un coup de main à une autre peuplade bien décidée à résister à un empire romain toujours plus envahissant.
Un glaçon venu de la mer s'échoue près de l'irréductible village d'Astérix et Obélix. Il contient le guerrier Mac Olloch, victime de l'infâme Mac Abbeh, dépeint sous les traits verdâtres du comédien Vincent Cassel.
Mac Abbeh, qui est allié aux Romains et fait partie d'un clan ennemi, croit ainsi s'être débarrassé de son rival pour conquérir le coeur de Camomilla, la fille du défunt Mac II.
Mais Astérix et Obélix aideront Mac Olloch à rentrer chez lui, à vaincre Mac Abbeh, à unifier les Pictes et à repousser les Romains derrière ce qui sera quelques siècles plus tard le célèbre mur d'Hadrien de 118 kilomètres de long.
La plupart des ingrédients classiques sont présents. Les Pictes boivent de l'eau de malt qui leur donne du courage, une référence à la "bouillante eau" que boivent les Bretons avant qu'Astérix y verse par accident des feuilles de thé.
Mac Olloch appartient au clan Loch Andloll et s'exprime souvent en phrases tirées de standards du rock, comme le barde rocker Mac Keul ("Quoi ? Qu'est-ce qu'il a Mac Keul ?", référence à la chanson de Johnny Hallyday.

PAS DE NOUVEAU TINTIN AVANT 2052 ?!

Le monstre du Loch Ness est bien là aussi, vu comme une "grosse loutre" par Obélix, qui excelle bien entendu dans le sport national, le lancer de troncs d'arbre.
"On l'a pensé avec Didier comme un album un peu hommage aux Astérix éternels, donc c'est un album qui a un petit côté seventies", a déclaré à Reuters Jean-Yves Ferry.
Le scénariste s'étonne de l'écho rencontré par l'album en Ecosse, où les locaux y ont vu une référence au référendum sur l'indépendance qui y sera organisé en septembre 2014, alors que selon lui il n'y a "pas du tout" de lien.
Tout y est presque, donc, et les aficionados retrouveront sans doute avec plaisir leurs héros préférés.
Mais le charme des scénarios de René Goscinny, la finesse de ses calembours, sa fausse naïveté, sa tendresse pour des Romains martyrisés par des Gaulois un tantinet sadiques, l'ampleur des reconstitutions historiques tronquées et le caractère hilarant des anachronismes manquent à l'appel.
Pour l'autre monstre de la bande dessinée, Tintin, les vrais nostalgiques des aventures du célèbre reporter qui se sont brutalement arrêtées à la mort de son créateur, Hergé, en 1983 peuvent dormir sur leurs deux oreilles.
Ils ne seront sans doute plus de ce monde lorsque paraîtra un album qui ne serait pas dessiné de la main du maître.
Ses héritiers ont annoncé récemment un nouvel opus pour 2052, juste après qu'il sera tombé dans le domaine public.