Non, je n’ai pas changé…

 
 

 

C’est donner trop d’importance à Sarkozy que d’en faire un repoussoir

sarkozy hollande nicolas

Je ne suis pas Julio Iglesias pour chanter ce titre comme il conviendrait.
Il n’est pas offensant pour le président de la République de s’interroger sur son autorité et d’en faire “une question” qui dépasse très largement le plan psychologique pour relever d’une problématique politique (Libération).
Je comprends bien comme François Hollande immédiatement, répugnant à l’exacerbation tous azimuths du quinquennat précédent, a cherché, autant que possible, à remplacer l’injonction et l’agitation par un comportement contrôlé, maîtrisé et de confiance. A substituer au fait de se mêler de tout et de donner au moins l’impression de la fermeté – en profondeur, il y avait beaucoup de faiblesse – une attitude présidentielle décrispée, moins impérieuse. A refuser l’autoritarisme au bénéfice de l’autorité.
Il est clair que cette volonté a manqué ses effets et que le gouvernement semble, malgré les avertissements ou à cause d’eux laissés sans suite, négliger la ligne présidentielle. On ne compte plus les antagonismes publics entre ministres et on ne saurait prétendre qu’ils relèveraient d’un débat normal et nécessaire. Le dernier en date entre Manuel Valls et Cécile Duflot aurait imposé une réaction vigoureuse que la demande de sang-froid par le Premier ministre n’a pas constituée à elle seule.
Pour vouloir faire échapper la société française au traumatisme de cinq ans de sarkozysme, François Hollande en crée un autre qui à rebours résulte du sentiment partagé d’un pouvoir dépassé par les querelles et incapable d’y mettre fin. François Rebsamen est sans doute le plus lucide quand il explique ce qui est perçu par beaucoup comme un déficit par cette hantise : “François Hollande ne sera pas l’homme des positions tranchées qui blessent et qui, par définition, excluent”. La loi sur le mariage pour tous a tout de même manifesté chez lui une obsession de rassemblement qui avait ses limites !
Le président de la République se doit rapidement de trouver une solution à ces conflits intestins soit en tirant les conséquences d’une solidarité mise à mal soit en n’accomplissant rien de brutal ni de décisif mais en tentant de laisser croire à un dessein. Le pire est le constat d’aujourd’hui : un président chahuté et muet sur la discipline collective. L’opportunisme et la tolérance tactiques sont poussés si loin que l’unité en est affectée. Et l’image de la France au travers de son équipe dirigeante. On peut ne pas adhérer à la politique mise en oeuvre et s’émouvoir cependant de cette perte de crédibilité en quelque sorte nationale et internationale.
Quand le président est parti, les ministres dansent.
Le comble – et l’ironie – tient à ce que de l’autre côté Nicolas Sarkozy, critiquant Jean-François Copé et François Fillon, plus certain que jamais d’être attendu, espéré par les Français – et pas seulement par l’UMP – comme le de Gaulle du Cap Nègre, n’a pas changé d’un pouce son caractère ni modifié son tempérament ni aboli son narcissisme ni pris conscience de ses responsabilités quasi exclusives dans l’échec de la droite. Il a fait payer l’UMP, méprise toujours autant autour de lui, ose prétendre qu’il ne s’occupe que de la France quand, plus que les autres, ses rivaux de demain, il cultive sa stratégie personnelle (Le Monde).
A trois reprises au moins, Nicolas Sarkozy au cours de son quinquennat nous a déclaré qu’il avait changé. Force est de constater, depuis qu’il a été désavoué, qu’il est encore plus caricatural que lors de l’exercice du pouvoir et que s’il restait un infime espoir sur sa possible métamorphose, il est pulvérisé. Il se révèle encore moins homme d’Etat aujourd’hui qu’il ne l’était hier. Dans l’absence que dans la surabondance.
François Hollande commettrait, commet une grave erreur en s’imaginant qu’après le quinquennat et en successeur de Nicolas Sarkozy, il est impossible, pour lui d’inventer et de développer ce qui après tout ne serait que l’expression d’une normalité présidentielle.
Un président, pas un Matamore. De l’autorité, pas du laissez-faire et laissez-dire dans le désordre. Beaucoup d’intelligence mais de la détermination, même pour la politique nationale.
C’est donner trop d’importance, encore aujourd’hui, à Nicolas Sarkozy que d’en faire un repoussoir.


 

Droit d’inventaire à l’UMP :

On ne badine pas avec l’avenir

France complexée contre France sans complexe

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Ces dernières années, « le complexe » est venu enrichir la nomenclature de l’UMP. Désormais, l’on n’est plus complexé par son poids, mais parce qu’on est de droite et qu’on aime la France. La psychologie a remplacé la politique. De là, l’essor du concept de droite décomplexée. En 2007, Sarkozy candidat s’en est fait le chantre. Pour l’emporter, il avait scruté les sondages. À l’américaine, il avait même fait le « profilage » de l’électeur FN. Depuis 2002, l’animal se révélait craintif et se montrait peu. C’est qu’il se souvenait encore des hordes de lycéens descendues dans la rue au cri de « Nous sommes tous des enfants d’immigrés, première, deuxième, troisième génération ! ». Jusqu’au jour où, cinq ans plus tard, Nicolas Sarkozy réussit à le retrouver et à l’appâter. Trop heureuse de trouver enfin un interlocuteur, cette France, honteuse et tête basse, lui a confié ses craintes, ses espoirs et sa confiance.
Lors de cette première campagne présidentielle, ses discours volontaires, sa véhémence, son exaltation de l’ordre républicain ont fait illusion. Ça y est, les Français avaient enfin retrouvé leur homme providentiel. Tous y ont cru. Les électeurs gaullistes traditionnels ont vu en lui un nouveau Bonaparte, ceux de la droite de la droite avaient le soulagement de voter sans encourir l’anathème. On allait enfin s’occuper de leurs inquiétudes. Trop vite malheureusement, les Français se sont aperçus qu’on les avait à nouveau dupés. L’énergie présidentielle n’était qu’une vaine agitation, du grand spectacle médiatique pour haranguer les foules crédules et exploiter leur complexe au lieu de proposer des réponses. Trop prolo dans ses déclarations, Sarko proche du peuple, est devenu un fantoche. Il fallait se rendre à l’évidence, il n’était pas le grand chef d’Etat qui proposerait une direction novatrice à la France avec des solutions pour la sortir de l’ornière.
En 2012, la première erreur stratégique des Fillon, Copé, Wauquiez, Le Maire et consorts est de n’avoir pas eu le courage de lui reprendre le parti. Face à un homme qui n’aurait jamais eu l’humilité de se remettre en cause et de laisser la place, il fallait que les éventuels concurrents s’allient. Au lieu de cela, par lâcheté et par suivisme, les caciques de l’UMP se sont tus alors que la victoire tendait les bras à la droite. Ils n’ont pas compris que la personnalité de Sarkozy rebutait tant les Français, que par dépit ils s’abstiendraient ou voteraient à gauche. Quand une grande nation comme la France finit par élire son président par défaut, c’est vraiment que l’on en est arrivé au déclin de tout, des idées comme de l’espérance.
Un an après la défaite, la guerre intestine Fillon/ Copé fait rage. Elle est indispensable pour départager le nouveau chef de l’après-Sarkozy. Au goût des Français, elle dure depuis trop longtemps car aucun des deux ne parvient à l’emporter. Un sondage BVA pour le Parisien révèle que 67% d’entre eux pensent que la situation n’est pas apaisée à l’UMP. L’après-Sarkozy se fait attendre. Pendant ce temps, ce dernier prépare déjà son retour sur les cadavres de ses deux rivaux. Roland Cayrol a raison d’affirmer que faire l’inventaire du quinquennat Sarkozy serait une erreur stratégique. Dans une position d’attente mortifère, l’UMP se regarde le nombril au lieu de proposer un nouveau projet cohérent pour la France qu’il pourra cette fois-ci honorer. Paradoxalement, la droite qui se voulait décomplexée, se révèle aussi complexée que ses électeurs. À ce propos, Copé déclare qu’ils « n’ont pas suffisamment eu le courage d’assumer leurs idées ». Cet aveu est signifiant et résume déjà les conclusions de ce possible inventaire. Une fois au pouvoir, rouler des mécaniques pour cacher sa frilosité et son impuissance n’a pas suffi. Nouveau mal du siècle franco-français, le complexe est apparemment contagieux. En effet, Sarkozy le magnifique n’a pas osé appliquer son programme et traiter frontalement des problèmes des Français. Comme les curés qui ne font plus de sermons engagés à la Bourdaloue ou à la Mascaron, la parole des hommes politiques s’est dépolitisée.
C’est que la France, c’est la loose. Interrogez les 360 sans-papiers de Clermont-Ferrand : comme le Samu-social ne pouvait pas leur trouver de solution immédiate, 25 d’entre eux se sont permis de porter plainte contre l’Etat français ! C’est qu’ils ont flairé la bonhommie française. Alors, la France complexée s’aperçoit que sa « gentillesse » spontanée a perdu sa signification étymologique de « noblesse de cœur » et qu’elle est devenue « signe d’affaiblissement ». Sa bienveillance et sa douceur à l’endroit de celui qui souffre se retournent contre elle. Pis, cette attention à l’autre et cette commisération deviennent des armes que les associations de défense des minorités utilisent allègrement pour reprocher aux Français tous les crimes de la Terre.
Au pouvoir, Sarkozy a fait comme Chirac qu’il méprisait tant, il a laissé la situation empirer. En cela, l’invisibilité de son successeur, François Hollande, coïncide parfaitement avec ce que l’on n’a cessé d’exiger des Français. S’il faut s’excuser d’être Français, s’il faut faire fi de la grandeur de notre Histoire et ne retenir que ses vicissitudes, alors devenons transparents. À force de faire honte aux Français de leur passé, on en a fait un peuple timoré qui essaie d’oublier ce qu’il a été. Le problème, c’est que chaque Français porte en lui, consciemment ou non, la nostalgie des temps où la France faisait encore l’Histoire. De Gaulle l’avait compris en transformant la défaite française contre les Nazis en victoire de la Résistance et des Alliés. Conscient du rôle qui lui incombait de jouer, il voulait redonner aux Français la fierté d’être Français. Aussi en écrivant ses Mémoires s’agissait-il non seulement de conforter sa figure de grand homme politique mais aussi de panser le traumatisme de la nation en poursuivant le mythe de sa grandeur. Cette exigence s’est peu à peu liquéfiée. En réalité, depuis 1995, la France n’a pas connu de réels dirigeants politiques, elle a élu un triumvirat de techniciens pour la diriger. Musset n’aurait jamais cru que les fantoches de Badine accèdent à la plus haute fonction de l’Etat. Comme Dame Pluche, ils font des bonds dans la luzerne.
N’en déplaise aux commentateurs politiques, le mythe du grand homme est vivace en France non par naïveté mais par goût de l’excellence. Ils désespèrent que le paysage politique soit incapable de leur offrir un homme de valeur à la hauteur de la fonction présidentielle. On peut trouver cela risible mais les Français aiment se réfugier dans la fiction et songer à une gloire disparue. Sarkozy n’a pu les faire rêver qu’un an. Il serait grand temps que l’UMP exorcise le spectre et dépasse le piège de l’inventaire. Si les convictions personnelles et les idées novatrices primaient enfin sur les complexes et sur les dissensions, l’UMP pourrait se mettre en ordre de bataille pour les municipales. Il serait grand temps. Au loin, la déferlante bleu marine s’esquisse déjà.